L’Hôpital de la rue Lindley
L’hôpital fut fondé au XVIIIe siècle sous la forme d’un refuge pour enfants abandonnés. Il remplissait les fonctions de soins et d’accueil pour les femmes pauvres et enceintes, les vieux et les invalides. Les bâtiments actuels datent de 1901. Pendant l’occupation allemande, des soldats de la résistance polonaise se cachèrent dans l’hôpital. L’hôpital apportait également une aide aux personnes persécutées.
Décalogue 2
Le destin des trois personnages principaux de cet épisode — Andrzej (joué par Olgierd Łukaszewicz) hospitalisé dans un état critique, sa femme Dorota (jouée par Krystyna Janda) et un chef de service âgé (joué par Aleksander Bardini) — se joue principalement dans l’hôpital de la rue Lindley. L’intérieur misérable de l’hôpital (la peinture tombe des murs et l’eau goutte des plafonds) ne fait que souligner l’état de santé désespéré d’Andrzej qui était alpiniste. À l’époque de la réalisation du Décalogue, il n’était pas rare que les hôpitaux fussent aussi délabrés. Kieślowski avait déjà montré la réalité du système de santé polonais dans le film Hôpital (1976), un documentaire sur la vie de médecins d’un service orthopédique pendant une garde de 36 heures. Dans ces deux films, l’état lamentable des infrastructures hospitalières contraste fortement avec le dévouement du personnel qui fait des miracles malgré ses conditions de travail. Dans l’une des scènes les plus mémorables du Décalogue 2, on voit une abeille en train de se noyer dans du sirop, puis se sauver en escaladant la paroi du verre. Sur son lit d’hôpital, Andrzej observe les efforts de l’insecte alors qu’il combat lui-même pour sa vie. Cette scène apparemment mineure décrit métaphoriquement son rétablissement miraculeux. C’était une idée de Krzysztof Piesiewicz. Enfant, le futur coscénariste de Kieślowski observait souvent les insectes tombés dans le sirop que sa mère avait préparé et laissé sur sa table de nuit lorsqu’il était malade.
Mikołaj Jazdon
Deuxième commandement :
Tu n’invoqueras point le nom de l’Éternel, ton Dieu, en vain ;
car l’Éternel ne laissera point impuni celui qui invoque son nom en vain.
« Entre la vie et la mort »
Kieślowski présente, dans le deuxième épisode du Décalogue, le sens catéchétique de la question du deuxième commandement de manière extrêmement habile. Lorsque Dieu convoqua Moïse au pied du Mont Sinaï, celui-ci voulut connaître le mystère du nom de Dieu. Bien qu’il « enlevât ses sandales » en signe de respect à l’égard de la révélation du buisson ardent et qu’il fît confiance, non sans exprimer certains doutes, à la Providence pour mener à bien sa mission, Moïse ne put jamais connaître le mystère de sa propre mort dans le désert qui lui barrait le chemin du bonheur. Dans cet épisode, Kieślowski sonde l’une des questions les plus sensibles : le commandement « de ne pas invoquer le nom de l’Éternel ».
Une femme, prisonnière de sa loyauté à l’égard d’un mari mortellement malade et du sentiment qu’elle ressent pour un autre homme dont elle attend un enfant, veut connaître le mystère de la vie et de la mort. Elle attend de l’hôpital un diagnostic qui lui permettra de prendre la décision de garder ou de renoncer à l’enfant. Le directeur de l’hôpital sait personnellement ce que signifie la perte d’un être cher. Il succombe à la tentation — comme dans Le Décalogue 1 — de « calculer » les chances de survie du mari qui sont extrêmement faibles. Mais les décisions de Dieu, tout comme son nom, doivent rester secrètes.
Le nom de Dieu a-t-il été ici « invoqué en vain » ? C’est finalement la vie de l’enfant qui l’emporte, mais pas par un verdict forcé contraire au deuxième commandement et, en fin de compte, faux. Grâce à ce verdict et à la mystérieuse guérison du malade, la femme peut dire à son mari : « Nous allons avoir un bébé. » Mais le couple est-il pour autant tiré d’affaire ? D’autres dangers les guettent. D’autres dilemmes moraux découlant d’autres commandements s’imposent à eux : les sixième et septième sur la fidélité, et le huitième sur les faux témoignages…